jeudi 13 novembre 2014

Je ne suis pas votre Amie -2-

Les profs c'est des êtres non sexués, ils ne mangent que quand on les voit manger. Ils n'ont pas de vies privées. Ils ne parlent pas comme nous. Ils ne font pas partie du commun des mortels.
Du moins, c'est ce que je pensais le temps où j'étais encore élève et ensuite étudiante.
Envoyer un email à un de mes anciens enseignants, était une tache fastidieuse,  je le lisais mille et une fois.Il se devait d'être digne de son receveur, ou plutôt de sa fonction.
Je n'ai jamais réussi à composer le numéro d'un d'eux. C'était franchir l'infranchissable!
Était ce du respect? De l'admiration? De la timidité? Je n'en sais rien. Je ne les appréciais pas tous, Loin de là! Mais il y'avait une frontière, un mur que je bâtissais  avant même de les connaitre.
Je me souviens être outrée en apprenant qu'une de mes camarades de classe échangeait des textos avec un prof célibataire. Je le voyais comme une transgression impardonnable, aberrante!
Pire encore! Les professeurs qui se marient avec une ancienne étudiante, pour moi, ceci relève du croisement interracial!

Mais me voila prof moi même. Me voila humaine pourtant.
Dans ma première réunion avec "les autres"je m'étais sentie comme un "Outsider". Et puis en apprenant plus sur eux, étant de l'autre coté du mur cette fois, ils étaient normaux, homo-sapiens!

Quelle est l'origine de cette image que j'avais du Prof? Était ce à cause du sérieux caricatural qu'ont les institutrices de la petite enfance? Ou alors une image idéaliste de ce que je voulais qu'ils soient?
Complexe ou  fantasme?
S'ajoute à ma confusion les nouveaux rapports avec les étudiants de cette "génération".
Pourquoi sont-ils si différents? Portent-ils sur nous cette même image ou une autre encore plus défigurée plus caricaturale?
D'où leur vient cette facilité à nous aborder? Ils semblent être prêts à tous les dérapages si je ne bâtissais pas encore et toujours ce même mur.
Suis je vouée à le restaurer, à l'entretenir quelque soit le côté auquel j'appartiens?
Élève ou Prof : Je suis la gardienne du mur du respect.

Je ne suis pas votre Amie; je suis celle qui respecte l'autre  au point de la dénuer d'humanité.
Vous êtes mes élèves (ou mes profs), vous êtes des êtes asexués auxquels je dois un dévouement
inconditionnel. Vous inculquer leçons et valeurs mais parle-t-on sur les mêmes fréquences audibles?
Sinon retenez seulement ceci: Je ne suis pas votre Amie!





mardi 28 octobre 2014

Je ne suis pas Votre Amie! -1-

 D'habitude si dans la rue un vieux  monsieur ou un jeune, une  petite dame ou une grande, un étranger ou un voisin se perd ou a besoin d'un renseignement, je suis celle qu'on arrête.
J'en ai donc conclu ,et j'ai eu la confirmation de quelques amis, que j'avais le contact facile.
Je ne vous parlerai pas dans ce billet des atouts de ce trait de caractère mais des problèmes que cela peut engendrer... quand on est prof!
Mes élèves ont directement eu l'impression de me connaitre, de me cerner, de pouvoir me traiter en amie! Moi, sous mes airs de jeune personne, je suis totalement et typiquement de la vielle école.
Celle qui stipule que les élèves doivent être respectueux, enlever casquettes et chapeaux dans la salle de classe, écrire des emails formels quand ils s'adressent à leurs enseignants et surtout tenir des propos corrects au sein de l'établissement.
Mais mes élèves ne le savent encore pas!
Pourtant pour éviter tout malentendu, je fixe les règles dès la première séance. Mais étant donné que mes chances sont minces de m'adresser à tous les individus dans cette même première séance (cqfd dans le précédent billet), les incidents se multiplient!
Un de mes élèves, pas des plus assidus, est venu en cours quasiment deux mois après la rentrée.
Il m'a tout de suite proposer de visiter sa boutique parce qu'il avait selon ses dires "un ensemble qui m'irait à merveille!"
Il m'a fallu beaucoup de "self-Control" pour ne pas me mettre sur mon ballet, effarouchée par ses propos, pour lui jeter le sort mérité de ne plus se présenter au cours.
Mais je ne serai pas la cause pour laquelle les élèves quitteraient l'école! NON! Je veux essayer d'être celle qui leur redonne le gout d'apprendre.
J'ai donc tenté de reprendre le gouvernail de la conversation, expliquant à mon étudiant que seuls les propos qui relèvent du cours sont tolérés dans la salle. Mais comme Monsieur est persévérant, chose qu'il a prouvé tout au long de l'année d'ailleurs, il m'a expliqué qu'avec lui je pouvais ne pas jouer au prof. Qu'on était presque du même age et qu'une relation amicale était possible.
Là j'étais à deux doigts de sortir le caméléon séché de mon sac et la potion verte pour le transformer en crapaud!
En devenant prof, vous  acquérez des nerfs d'acier. Je me redécouvrais.
Je l'avais invité tout calmement à quitter la salle ou alors de choisir de rattraper son retard et d'assister au cours.
Depuis ce jour, plus de propos déplacés mais j'ai dû être très prudente avec cet élève et avec bien d'autres.
Au fil des séances, j'avais réussi à avoir un regard différent de mon public "turbulent". Dès les premières heures du cours, je passais lentement mais surement du statut de l'amie potentielle à la prof. La prof dévouée, comme j'aime à le croire et comme les emails de mes anciens étudiants me le prouvent.
الله الموفق
 


jeudi 16 octobre 2014

Rentrée en instance!

Jour de ma rentrée universitaire. Moi, seule enseignante à ne pas avoir eu de vacances d'été!
Je finissais ce qu'il me restait à faire dans mon ancienne besogne.
Me voila  prof! Je me suis bien entendu acheté une Armure! En parfaite chevaleresse servant ma noble mission, je me suis acheté un Tablier blanc!
On lui fait porter bien des interprétations à ce bout de tissu blanc.Je n'aurais pas pu m'imposer sans! Déjà que les administrateurs  me prenaient pour une étudiante.
Premier jour je vous disais! C'était un Jeudi! J'étais en avance d'une demi heure ou plus.
Je me suis tout de suite dirigée vers ma salle de classe. Adossée au mur, tête rêveuse, fredonnant une chanson, j'étais seule. Une demi heure est passée, une heure encore et personne ne s'était présenté.
Je suis allée faire un tour, voir si quelqu'un pouvait m'éclairer. Personne! Je n'ai trouvé personne.
J'étais seule avec un chien errant.
Me serais je trompée de date?
Je suis revenue vers ma salle, Une étudiante était là! Je vous avoue que cette étudiante fut longtemps ma préférée! Quoi de plus normal, c'était la lauréate!
Nous avions passé une heure à parler du cours, du programme, de ses ambitions...
Je n'étais pas encore la prof.
Ma rentrée ça ne sera pas pour aujourd'hui.
Faut encore attendre que les étudiants daignent se présenter au cours.
La coutume ici est de commencer en Octobre, un mois après!

Nous étions plus ponctuels, plus sérieux, plus ambitieux de mon temps.
Je viens d'une autre génération.
Je m'imaginais déjà en fin pédagogue, je suis rentrée bredouille, mes aspirations mises en instance..



lundi 13 octobre 2014

Une année déjà!

Cela a été un rêve à demi avoué. Une sorte de délivrance espérée, une échappatoire du monde industriel dans lequel je m'étais engouffrée.
La vie  est un séquencement de choix et parfois ces derniers se présentent comme une évidence.
Nous ne prenons pas le temps de vraiment les évaluer. Nous les prenons comme une certitude implacable et ce sont ces mêmes choix qui s'avèrent au final être les plus regrettables.
Est ce que j'aurais l'audace de remettre en cause mes choix qui ont été les plus faciles à prendre?
Certes non! Je n'ai aucune volonté de me gâcher le plaisir de ces rares moments où la vie semble facile.
Mais je sais qu'il faut être prête à les juger à posteriori, quand le plaisir est consommé et quand on est à nouveau lucide et clairvoyant: les fameux arrières goûts de l'amertume du regret.
Ingénieur dans une société privée est le successeur de l'ouvrier en agriculture du siècle passé.
Les richesses il y contribue, il est le maillon le plus important de la chaîne  mais il n'en tire que sa satisfaction d'avoir bien accompli son travail.
Soudain, l'ouvrière que j'étais, pense à réévaluer sa condition. En trois années de dur labeur, j'ai certes eu quelques trébuchements et quelques bleus. Mais parfois il vous faut une réelle chute, dos à terre, yeux grands ouverts pour vous rendre compte de votre véritable situation.
Ma chute je l'ai eu! Il serait injuste d'accuser le travail en unique coupable. Mais c'est ce dernier qui a été le premier à être remis en cause. Solution de facilité peut être! Peu m'importe!
Solution déterminée, draconienne: Je change de profession! Je deviens PROF!
Un revirement de parcours facilité par une succession d’événements.
Je suis prof immédiatement après l'avoir décidé.
Une facilité qui vous pousse à déclarer que c'est forcément une intervention Divine!
C'est donc mon destin agréable que d'être Prof.
Alors vous vient cette sensation de responsabilité. Tu as été emmenée là pour une tâche précise, forcement!
Tu dois d'abord découvrir ta mission et l'accomplir. Tu te rues de nouveau sous un stress, le stress que tu redoutais, que tu as fuis! Et tu y ajoutes une nuance plus affligeante, le besoin d'être ce missionnaire exemplaire.
Qu'as tu changé ouvrière?
Et me vient la réponse, apaisante, agréable : je laboure une terre qui est mienne! Agricultrice je le suis! Plus par l'effort suintant et le manque d'égard mais par l'espoir, l'amour de la vie et la culture d'une terre qu'on suppose riche jusqu'à la prochaine moisson.
Si elle ne l'est pas, on change d’engrais et on continue.
 Alors si une chose me fait peur, c'est de perdre mon engouement pour ma terre.
Priez pour moi, moi la prof rêveuse.